mardi 16 novembre 2021

Michèle Delaunay, un slogan c'est un slogan.

L'ex Ministre déléguée chargée des personnes âgées et de la dépendance, Mme Michèle Delaunay, a publié dans le Ouest-France du 12/11/2021, autour de l'expression "Mourir dans la Dignité". Si vous n'avez pas lu cet article, vous pouvez le voir en cliquant ICI. Trouvant ses propos abusifs et inacceptables, je lui ai répondu, ainsi qu'au journal. Voici la copie de ma lettre:


Madame Michèle Delaunay,

Ayant une assez longue expérience d’accompagnement de personnes âgées terminant leur vie en Ehpad, je connais assez bien le sujet de l’article que vous avez fait paraître, dans le OF de ce 12 novembre. Permettez.

Bien sûr que tout le monde souhaite que la fin de vie, la toute fin de vie même, soit digne ! Sauf que peu de personnes relèvent le fait que cette phrase inachevée n’a pas vraiment de sens. Comme pour le fameux baril de lessive qui lavait plus blanc…

« MOURIR DANS LA DIGNITE » était un slogan, lexicalement plus ou moins correct, soit. Un slogan qui date, cela fait 40 ans qu’on le brandit en France. Un slogan que la très grande majorité des personnes interrogées voudraient brandir, d’après les sondages. Si la dignité est toujours une affaire très personnelle, (ce qui est digne pour l’un, peut ne pas l’être pour l’autre, et vice versa) ce slogan de l’Admd, littéralement interpelant, a eu le mérite d’ouvrir un débat, c’était le but ! Faire reculer un fameux tabou…

Et si vous étiez bien entrée dans ce débat justement vous sauriez qu’on n’y autorise personne à juger du ou des choix que chacun fait ou ne fait pas, concernant sa propre fin de vie. Le fait d’accepter jusqu’au bout une maladie de Charcot par exemple, se respecte complètement. Vouloir une meilleur loi, c’est aussi et peut-être surtout, d’ailleurs, « Respecter » le choix de chacun.

Vous déplacez le sujet en disant que les partisans de l’euthanasie sont contre le fait de mourir à l’hôpital. Ce qui compte pour nous, c’est la « démocratisation de la possible bonne mort ». Chez soi ou à l’hôpital. Vous devez très bien le comprendre. Seuls les gens suffisamment riches, si c’est leur volonté incontestable, de terminer leur vie sans souffrances interminables, peuvent envisager un accompagnement en Suisse ou en Belgique pour mourir. Les soins palliatifs quand ils existent, peuvent correspondre pour certains, mais déjà, ils sont où ? Il faut d’abord du personnel en nombre suffisant, on en est loin et on s’en éloigne je dirais même.

Paulette Guinchard, ancienne secrétaire d’Etat auprès des personnes âgées hélas atteinte d’un cancer, a finalement demandé une aide médicale à mourir en Suisse. Comme quoi, en France, même une grande responsable de la fin de vie peut ne pas bien comprendre l’intérêt de la législation de nos voisins, avant d’être concernée elle-même. C’est regrettable, mais elle a eu le mérite de rendre publique son changement d’avis. Pour faire avancer notre débat sur le sujet, certainement.

Mais une simple vendeuse, coiffeuse ou je ne sais qui d’autre, aura-t-elle les moyens d’aller demander une aide à mourir à l’étranger? Non.

Ceci dit, d’accord avec vous : tout soignant, quel qu’il soit, se dépense beaucoup, sans compter c’est autre chose, mais en revanche contrairement à vous, (toujours d’après vos propos sur ce OF du12/11),  je ne dirais pas qu’il (le soignant) se dépense autour de « son » malade. C’est grave de dire ça. De quel droit ? Depuis quand un malade est-il la propriété des soignants ?

Chaque personne n’appartient qu’à elle-même, non ? Les soignants sont là pour répondre aux attentes des résidents ou des patients qu’ils visitent, en respectant leurs volontés surtout si leurs directives anticipées sont claires, mais pas pour se les approprier. Si?

Qui donc a le plus besoin de qui, finalement ? Une ambiguïté lexicale peut être traitre en effet…

D’autre part, pensez-vous vraiment être allée suffisamment de fois en ehpad privé commercial surtout, pour juger de la façon dont on s’occupe des personnes âgées dans ces structures-là, hélas de plus en plus nombreuses? Moi oui. Le tableau de bord au quotidien je le connais. Donc vous le comprendrez, je suis assez étonnée de vous entendre dire qu’aujourd’hui les services d’accompagnement et les soins médicaux auprès des personnes âgées fonctionnent dans de parfaites conditions de dignité. D’autant plus qu’on sait comment ça se passe lorsqu’un ou une élu(e) vient visiter ce genre d’établissement. En général on est prévenu...

Décidément, l’Admd n’est pas la seule à abuser du mot Dignité.

Quant à la formule de la politicienne que vous citez, à croire qu’elle vous tendait la perche. Bien sûr que le recours à une aide médicale à mourir n’est pas la seule façon de mourir dignement ! Cette candidate s’est mal exprimée. Le candidat François Hollande s’était mieux exprimé lui en son temps, mais une fois élu il a tout oublié, c’est pas mieux.

Pour finir, une question.

Avez-vous une idée de comment aimeraient mourir les médecins, infirmiers, et aides-soignants dont vous parlez dans votre article, s’ils étaient à la place de certains des malades ou personnes âgées dont ils ont la charge de soigner jusqu’au bout ?

A vos réflexions madame l’ex ministre.

Cordialement



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