jeudi 26 octobre 2023

Mr Léonetti, une lettre ouverte pour vous.

 

                                                                                                              Mr Jean Leonetti,

                                                                                                Cardiologue et responsable politique

                                                   

                                                                    Monsieur,

Ce n’est pas que j’ai trop le temps, mais je tiens quand même à réagir, suite à vos propos recueillis par Patrice Moyon dans Ouest France.

Vous commencez par parler de crises hospitalières successives. J’aime qu’on parle franc. Ne pensez-vous pas qu’au lieu de parler de crises, on devrait parler du démembrement du système actuel de Santé en France, auquel on assiste petit à petit depuis des décennies? Ce cher système français qui serait d’après vous, regardé avec intérêt par les pays européens et les américains du nord et du sud. Entre nous, s’ils étaient au courant de nos problèmes pour le financer ce système, je ne sais pas s’ils seraient aussi attirés que ça. Bref. En attendant s’ils nous regardent avec intérêt, nous, français, sommes nombreux à reluquer et envier la politique en matière de fin de vie, menée courageusement par de plus en plus de nos pays voisins, et dans certains Etats américains. Comment on doit respirer… Comment on doit se sentir bien dans son pays, quand on sait qu’on pourra obtenir une aide médicale pour bien mourir, si on a une ou plusieurs pathologies nous causant des douleurs inapaisables devenues insupportables ! C’est important de bien respirer pour la santé, n’est-ce pas Docteur?

Restons en France. Des bons Soins Palliatifs partout ? En rêve, oui, mais impossible je le crains. Et quand vous dites que les malades en soins palliatifs ne demandent pas la mort, encore faudrait-il qu’ils soient en mesure de pouvoir le faire. Quand on est complètement drogué par des traitements antalgiques lourds, anti dépressifs costauds aussi, que peut-on demander ? Pas grand-chose. Tu peux baver mais on ne t’entend plus, tu te tais. En gros j’imagine que parfois cela doit ressembler à ça. Aussi, en plus, si comme vous le dites, un patient garde toujours sa dignité jusqu’au bout, à la question d’un soignant qui lui demanderait en entrant dans sa chambre Comment ça va Monsieur Dupont ? Le patient Dupont répondra tant qu’il le pourra, par un ça va... Une manière digne d’entrer en conversation dans la vraie vie. Sauf que là, c’est bon comme ça, les secondes allouées au passage du ou de la soignant(e) étant trop comptées, si ça va c’est parfait, on note ! Mais derrière ce que vous appelez LA DIGNITE, monsieur Leonetti, il y a parfois de grandes souffrances. En France on ne veut pas tout entendre j’ai l’impression.

L’angoisse de la mort, une réalité ? Non. Pas quand on ne supporte plus ses propre souffrances. Là, il arrive un moment où on n’attend plus que la Faucheuse. Et d’ailleurs tous ceux qui suivront votre corbillard seront d’accord et se le chuchoteront : c’est une grande délivrance pour elle - ou pour lui -, et passeront facilement au temps qu’il fait. En revanche, l’angoisse de continuer à trop souffrir, l’angoisse de très mal finir sa vie, cela existe bien. L’angoisse de mal mourir. A moins d’être maso. Ou sadique, si on trouve normal que les autres puissent être torturées dans leur vie, dans leur corps, sans leur apporter l’aide indolore à mourir s’ils la demandent expressément à leur médecin.

La sédation profonde et continue serait la réponse à toutes les douleurs ? Si je comprends bien c’est ce que vous maintenez. Je suppose que vous avez pourtant lu le livre « LOI CLAEYS-LEONETTI SES ERREURS ET SES INSUFFISANCES » publié par l’association Le Choix, citoyens pour une mort choisie. Tous les témoignages qu’on y trouve, suffisent pour comprendre que la loi actuelle ne suffit pas. Moi, du fait de mes années de travail en Ehpad, sur la sédation profonde et continue, je pourrais en raconter aussi. On peut souhaiter n’importe quoi à son pire ennemi, mais pas à quelqu’un qu’on aime. Encore moins pour soi.

La volonté n’est pas la liberté… Vous avez vu ça où? Et quant au fait de fait de changer d’avis… Dieu merci, on n’est pas que des imbéciles nous non plus, mais quel rapport ? On a le droit de changer d’avis, bien sûr. Si vous êtes belge et favorable au droit à l’euthanasie, rien ne vous obligera à passer par cette case-là. La loi vous aura quand même rassuré(e)

Non, personne n’envoie à personne l’idée qu’il serait préférable de mourir. C’est du fantasme, ça, ou de la mauvaise foi. A moins de ne rien connaître de l’application de la loi belge, mais vu que vous vous intéressez au sujet depuis quelques années, j’ai un doute. Ce sont les personnes souffrantes elles-mêmes, pas les autres, qui peuvent faire une demande pour qu’on les aide à mourir dans certains cas. En revanche, actuellement je me demande si en France, ce ne serait pas le contraire qui se passe, parfois. S’il vous plait docteur, mamie, là… j’attends pour partir vivre à l’Etranger donc… Avec des remerciements. Cela ne se fait pas ?

En Belgique, on tuerait son semblable ? C’est tout le contraire à mon avis. Tuer, c’est faire mourir d’une mort violente. Assassiner. Eliminer… On élimine ce qui nous gêne. Un docteur belge très humain ne sera jamais dans cet esprit-là. Ce sont de drôles de mots sortants de la bouche d’un soignant. L’idée ne me serait jamais venue dans ce débat, où il n’est question que d’humanité. Abréger la vie à cause des souffrances inapaisables et insupportables, de manière préparée avec les siens car programmée, c’est l’αλφα et l’ομεγα, si on veut comparer cela aux suicides made in France : sous un train, sautés d’un pont, au fond d’un puits, avec un fusil dans une chambre d’hôtel etc… C’est aussi autre chose qu’une sédation profonde et continue, où l’on suggèrera à la famille de rester à distance… le temps qu’il faudra, ils seront prévenus dès que… pour ne garder qu’un bon souvenir de la mamie ! Terrible…

Vous dites que vous ne pouvez pas complètement éliminer l’autre… Cela voudrait-il dire que vous accepteriez l’idée de les éliminer un peu quand même ? Merci du peu. Vous voudrez bien éventuellement m’éliminer un peu mais pas complètement ? C’est très rassurant, cela me va droit au coeur ! Si c’est votre amour des autres qui vous inspire ça, vous pourriez préciser votre amour des autres ou de ce qu’il en reste, pour être plus précis. Complet. Moi non, je n’en suis pas là, déjà mon affect n’entre pas dans les paramètres. L’affect ne veut pas toujours dire respect. Le respect des derniers choix de vie d’une personne prévaut par rapport à ce que l’on en pense, soi, des choix de l’autre. Pourquoi diable serait-on, en 2023, en France, à moins d’avoir un bon ami vétérinaire, pourquoi serions-nous, nous autres, obligés de souffrir pour rien ? Enfin pas exactement, s’il y en a à qui cela profite, mais quand même.

J’espère que vous ne m’en voudrez pas pour mon franc parler, normalement il n’y a pas de raison. Le mensonge n’étant pas ce qui rend une personne plus digne d’être entendue dans un débat relatif la vie humaine.

Avec mes respects,

Z.


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