mardi 17 octobre 2023

NON, Pierre JOVA.

"De la casse humaine", j'en vois plutôt en FRANCE.  Pas en BELGIQUE! De la casse humaine... Rien que l'expression, je la trouve irrespectueuse. C'est pourquoi je réagis aux propos de ce journaliste, publiés dans Marianne, ce 12 oct. . Voici la réponse que je lui envoie ce soir (Bigrement déçue par cette revue au passage):

                                                                                            Mr Pierre Jova

                                                                                           Journaliste pour le magazine Pèlerin

                                             

                                                            Monsieur Jova,

J’ai eu l’opportunité de vous lire récemment, répondant à Marianne qui vous interrogeait au sujet du Droit à l’Euthanasie en France. Ne vous connaissant ni d’Eve ni d’Adam, j’ai arrêté ma lecture au bout de quelques lignes pour voir votre profil sur le Net. Vous avez plusieurs tribunes, La Vie, Le Pèlerin, Famille chrétienne et j’en passe. Je comprends mieux. Vous devez préférer la chaire d’une église plutôt que le ring d’un face à face autour d’un pro euthanasie. Comme Denis Labayle par exemple, médecin mais écrivain. Il ne demanderait sûrement pas mieux que de débattre avec vous.

Personnellement j’ai une expérience de 25 ans de travail en Ehpad. Et là j’ai du mal avec certains de vos propos :

1- «… Nous sommes tous interdépendants… » Que voulez-vous dire ici, qui justifierait votre opposition à la loi belge? Que l’agonie de la personne qui n’en peut plus de ses souffrances et qui demanderait une aide médicale pour dire adieu à ses proches, aurait mine de rien une sacrée utilité pour ceux qui tournent autour ? Le patient en fin de course aurait des devoirs, lui ? Envers les soignants, envers de ces âmes charitables qui lui porteraient assistance ou la communion, c’est bon pour le moral, par exemple? Le moral de qui ? Le diable doit m’inspirer, voilà que j’imagine une de ces âmes « charitable » venir rendre visite à une comtesse en grandes souffrances se sachant condamnée de par son diagnostic, à devoir lâcher prise elle aussi ! Dites-moi que c’est bien le diable, je vois la personne visiblement plus qu’humaine, assister cette comtesse malade-là, en vue de lui faire signer en douce un papier - précieux c’est sûr - , pour chez le Notaire après le décès. Le diable m’inspire grave : je vois la visiteuse discrètement abandonner la grabataire, une fois le papier enfin signé, et là, le protocole est ok, on peut y aller pour une sédation profonde, au top ou pas basta. Dans un silence religieux comme on dit. Mais avec la loi belge, en France, ces cas de figure diaboliques seraient plus improbables : les gens qui ont su à peu près gérer leur vie et leurs finances (car ça va avec), vivent avec l’air du temps, et n’attendraient plus forcément de devenir trop déjantés par des anti douleurs anti anxiolytiques anti ceci anti cela, au point de pouvoir signer n’importe quoi. Des voyous pourraient s'inquiéter du petit changement à ce niveau-là, mais pas vous. Et quant aux malades très pauvres, les « vulnérables » donc, ceux-là ne demandent jamais rien, ils feront confiance au médecin, et au destin. Ont-ils raison ou tort, ça les regarde et se respecte tout autant. Rassurez-vous, ce ne sont pas ces plus vulnérables-là qui demandent le Droit à l’euthanasie comme en Belgique. Donc j’ai beau chercher, je ne vois aucun intérêt absolu pour qu’on aille au bout du bout, quoi qu’il en coûte de souffrances ! Bref, et il est où le lien durable entre celui qui part et la personne qui reste... dont vous parlez? Expliquez-vous. Une page tournée est une page tournée, un bon souvenir si elle l’a été (tournée) le mieux possible, c’est ce que tout le monde souhaite pour lui-même et pour ses proches, à moins d’être maso. Non?

2- En Belgique, les proches d’une personne qui demande une aide à mourir comprennent toujours la démarche clairement expliquée par la personne qui prévoit son départ. Sauf peut-être, si ce ne sont pas vraiment des proches. Et NON, on ne meurt pas isolé avec une AMM, en Belgique. A moins d’être par exemple un vieux curé sans famille, du moins sans enfant, et ne voulant pas faire de vagues. Je me demande si cela n’est pas arrivé d’ailleurs. Un curé qui a même écrit un livre excellent pour expliquer son choix.

3- Et la fin de vie, c’est toujours cette vie qu’il faut habiter jusqu’au bout… ? Que voulez-vous dire par là, vous qui êtes catholique ? La fin de vie… il y a une fin pour les croyants ? Au mieux, il y a des étapes. Et si quand on est né, on est né, après, chacun a le droit de faire ses choix de vie jusqu’au bout de son passage sur terre. Mais si on veut aller rejoindre le Seigneur un peu avant l’heure, vous pensez que le Bon Dieu nous en voudra ? Soyez franc.

4- L’agonie, un moment de réconciliation… ? Se réconcilier avec des proches avec qui on s’est bien brouillés, à mon avis c’est bien, mais un peu tard quand on est agonisant ! Aussi vous devez le savoir, les fâches dans une famille profitent toujours à quelqu’un. Il y en a qui savent se positionner à temps dans ces cas-là. La Nature a horreur du vide…

5- Si "la Dignité d’une personne ne se perd pas… ", permettez, il y a des diagnostics, je vous les souhaiterais bien, vous verriez que vos propos sont un peu dénués de fondement. A moins d’avoir les moyens comme le monsieur richissime dans l’excellent film Les Intouchables, mais ce n’est pas le cas de tout le monde.

6- Non, la loi belge n’a pas l’influence que vous craignez. Les gens qui font la demande d’une A.M.M. ne représente qu’une infime minorité des mourants en Belgique. Le droit à l’avortement s’il a évité beaucoup de drames, n’empêche pas une maman d’avoir des enfants si elle en veut.

7- Le verbe tuer s’applique quand on met fin à la vie d’une personne qui ne demandait qu’à vivre. Comme dans les nombreuses guerres. De religions par exemple. Mais aider une personne qui, sachant pertinemment que ses souffrances inapaisables n’iront qu’en empirant, vous demanderait une aide médicale à mourir avant de devenir un légume, aider cette personne n’est pas la TUER, ce serait répondre à la demande de soulagement qu’elle vous aura faite devant témoins etc… Se jeter sous un train ou d’un pont, ou au fond d’un puits, se tirer une balle dans une chambre d’hôtel, sans prévenir personne évidemment… Là, oui, on peut parler de casse humaine pour les proches, pour les témoins, les pompiers etc… On est en 2023, ces barbaries sont d’un autre siècle. Donc Monsieur Jova, des suicides médicalement assistés et encadrés comme ils le sont en Belgique ou en Suisse, vous ne pouvez pas en parler comme vous le faites.

8- « Je comprends que les honnêtes gens de l’Admd, traumatisés par ce qu’ils ont vu… souhaitent en finir ». Personnellement je crains que si je prononçais cette phrase sur un réseau social, on me demanderait de qui je ne me moquerais pas.

9- Et non, la mort n’est pas mystérieuse. Déjà, quand vous mangez un morceau de poulet rôti, vous vous posez moins de questions. Pourtant le poulet est une créature du bon dieu dans la religion, non ? Or si on lui coupe le sifflet à lui, même s’il se porte comme un charme, cela ne vous coupe pas l’appétit à vous. L’homme est un animal aussi, c’est prouvé, et s’il est plus respecté qu’un simple poulet, du moins dans nos contrées, lui aussi a tout bêtement une naissance et une mort à la clé sur terre, cela ne fait pas mystère. Et s’il a su gérer tout au long de sa vie, pourquoi on lui supprimerait ses derniers choix quand son existence est devenue impossible à supporter pour lui?

10- J’aimerais savoir enfin, où et comment vous avez orienté vos recherches sur une année dites-vous, en Belgique, pour arriver à vous faire vos opinions sur le sujet. Auprès de quels médecins par exemple. J’ai travaillé plus de 25 ans en ehpad et j’y fais encore quelques remplacements. Je peux vous dire qu’aucun, aucune collègue, à qui j’ai demandé naturellement s’ils, ou si elles, aimeraient finir leur vie comme cela, en quittant la chambre d’un très mauvais lit, personne ne m’a répondu autrement que par ceci : Pour moi c’est niet !

Parcourant le Net, je peux vous rejoindre sur d’autres sujets monsieur Jova. Mais celui-ci, de par mon travail en ehpad, me passionne assez, et je n’en démordrai pas : en 2023, la France est très en retard. On devrait avoir fait un copier-coller de la loi belge, depuis longtemps. N’en déplaise à ceux qui s'enrichissent d'une manière ou d'une autre sur la souffrance inapaisable des malades.

Recevez, Monsieur, l’expression de mes sentiments respectueux.

                                                                                                                     Z.

                                                                                                                      

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